[TW : Mort, violence et maltraitance animale- euh, Pokémon]
« Pourquoi mon nom ressemble à celui d’un Pokémon ? » demandait la petite tête blonde pour la centième fois.
« C’est pour que tu sois aussi galant et fort qu’un Gallame bien sûr ! » répondait toujours sa mère, amusée.
La force, ça allait. La galanterie, un peu moins.
Il faut dire que Galhaad se battait souvent avec ses petits camarades et pour des raisons qu’il ne comprenait pas toujours. La robe de Nadia était moche; il fallait bien que quelqu’un lui dise, non ? Pourquoi s’était-elle choquée ? Et Robby qui clamait haut et fort être le plus fort de la cour de récré; il fallait bien vérifier si c’était le cas, non ? Pourquoi s’était-il mis à pleurer après un seul coup de pied ? Tous une bande de petites natures !
Pour sa défense, Smashings n’était pas le meilleur endroit pour élever convenablement un enfant. Une ville pauvre avec des gens pauvres. Une ville sombre avec des gens sombres et sans aucun espoir pour l’avenir. Pourtant, la famille Cormac s’en tirait bien; ils n’étaient pas les plus pauvres et sûrement pas les plus malheureux. Le plus gros souci des parents était le comportement un peu brusque de leur garçon, mais ils savaient que ce gamin n’était pas réellement méchant … Un trop-plein d’énergie, sûrement. De toute façon, sa mère parvenait toujours à le calmer en lui lisant des livres.
Leur vie était simple et heureuse.
…
« Notre sœur est partie si vite, je n’ai même pas eu le temps de lui dire au revoir … » commenta sa tante à sa gauche.
« Notre grand-mère n’est-elle pas morte d’une façon similaire ? Et tante Terry aussi, non ? » ajouta une autre, les yeux rougies de larmes.
« Et si c’était héréditaire ?! Pauvre petit, j’espère qu’il n’aura rien … »Le père de Galhaad, furieux, leur intima de ne pas parler de ça devant son fils. Heureusement, ce dernier était trop concentré à fixer le plancher d’un air morose pour se soucier de leurs commentaires. Il était de toute façon trop jeune pour savoir ce que voulait dire "héréditaire". Et huit ans, c’était aussi beaucoup trop jeune pour perdre sa mère.
Tout s’était passé si vite … Cela avait commencé par une fatigue qui ne voulait pas partir, puis par une faiblesse généralisée qui l’avait obligée à rester au lit. Et puis la mort. Tout ça en l’espace de quelques mois seulement. Le docteur du coin n’y comprenait rien et n’avait rien pu faire pour la sauver. Galhaad ne comprenait pas non plus. Sa maman lui avait promis qu’elle resterait avec lui, alors pourquoi n’était-elle plus là ? Il leva les yeux sur le visage de son père qui lui tenait la main. Est-ce que lui aussi allait l’abandonner ?
L’enfant baissa de nouveau la tête et fit de son mieux pour retenir ses larmes, triste et furieux.
…
« Boumata, Lance-Flammes ! »Émerveillé, Galhaad regarda l’imposant Pokémon de son oncle propulser des flammes vers le ciel étoilé. C’était trop fort ! Trop cool ! Lui aussi voulait avoir des Pokémon puissants !
C’était la première fois depuis l’enterrement de sa mère – c’est-à-dire plusieurs semaines – que le blondinet affichait un sourire joyeux. Son père, qui commençait à être très inquiet pour son fils, avait eu l’idée d’appeler son frère. Il avait espéré que ce dresseur d’Alola parviendrait à changer les idées du petit, et… ce fut une réussite ! Une réussite trop grande peut-être puisque Galhaad ne parlait que de combats Pokémon maintenant …
Enfin, après une semaine de visite, l’oncle était prêt à repartir chez lui. Mais avant, il avait une dernière surprise pour son unique neveu …
« Lui, c’est le petit dernier de mon équipe. C’est un Osselait. » Il présenta le Pokémon timide au garçon attentif.
« Il a… perdu sa maman. Ça le rend très très triste, mais on dit que lorsqu’il parvient à passer par-dessus sa peine, il évolue pour devenir très très fort. Je crois que vous seriez bien ensemble. »L’adulte souleva l’Osselait et le tendit vers Galhaad afin qu’il le prenne à son tour. Les deux orphelins de mère se regardèrent dans les yeux quelques secondes, puis le Pokémon se mit à pleurer comme il le faisait souvent. Le blondinet le serra dans ses bras, retenant ses propres larmes.
Ils se comprenaient, tous les deux.
…
« Je vais vous battre la prochaine fois ! Vous entendez ?! Hé !... Grr, c’est ça, dégagez !… Peuh … »Assis à même le sol poussiéreux, le petit Cormac croisa les bras avec un air boudeur malgré sa lèvre fendue. Carados – qui n’était pas dans un meilleur état que son maître – se laissa tomber sur le dos, épuisé. Bande d’enfoirés ! Comment avait-il pu perdre contre eux ?! D’accord, ils étaient plus nombreux, mais quand même …
Cela ne faisait même pas deux jours que lui et son père avaient déménagé à Quarellis dans la région de Kalos que déjà, il se bagarrait avec ses nouveaux camarades de classe. Ça avait commencé par un combat Pokémon et ça avait fini par un combat d’humains si vous voyez ce que je veux dire. Galhaad soupira, soupir qui se transforma en sursaut lorsqu’il entendit une voix derrière lui qui le fit tomber à la renverse. C’est donc à l’envers qu’il vit le visage soucieux d’Emilie.
« Est-ce que… toi et ton Pokémon allez bien ? »Cette fille était dans sa classe et elle aussi était nouvelle. Elle était timide et réservée et pourtant, elle s’était approchée du vilain garnement. En plus, elle lui avait parlé avec une douceur et une inquiétude non feintes. Le blondinet cligna des yeux plusieurs fois, l’air ahuri.
C’était bien la première fois en dix ans que quelqu’un de son âge lui parlait gentiment !
…
« M-Mais, tes mains ! Elles brillent ! »« Chuuut ! Suis-mois ! »L’adolescente attrapa la main de son ami et le traîna à l’écart. Cela faisait deux ans déjà qu’ils étaient devenus inséparables. Personne ne comprenait comment ni pourquoi d’ailleurs : ces deux-là étaient complètement opposés ! Ou peut-être était-ce pour ça que leur amitié était si forte ? Emilie montrait au chenapan comment faire preuve de plus de douceur et Galhaad encourageait la timide à s’affirmer davantage. L’influence de l’un était positive pour l’autre.
Aujourd’hui, le blond vit de la magie pour la première fois. Les dons magiques de la fille s’étant éveillés devant l’autre adolescent confus, elle n’eut d’autre choix que de lui dire toute la vérité : oui, la magie, ça existe ! Emilie venait d’ailleurs d’une famille de mages … Mais tout cela devait rester secret, déjà qu’elle n’était pas censée en parler à qui que ce soit !
Et Galhaad… n’était pas du tout jaloux de son amie. En fait, il était surtout émerveillé. TRÈS émerveillé. C’était trop cool ! Lui aussi aurait aimé être un mage, tiens ! À chaque fois que l’occasion se présentait, il ne pouvait s’empêcher de lui poser tout plein de questions à ce sujet et ne s’arrêtait que lorsque Carados le frappait avec son os, comme pour dire :
« Tu vois pas que tu agaces ta copine avec tes questions indiscrètes ?! » Le petit groupe finissait toujours par en rire.
Malgré tout, Galhaad ne pouvait s’empêcher de rêver de magie.
…
« Galhaad ?! Mais… Mais… Qu’est-ce que tu fais ici ? »« Eh, j’ai reçu une lettre. Quelque chose comme ça. »Emilie sauta dans les bras de son ami qui l’attrapa juste à temps. Elle ne s’attendait pas du tout à voir ce garnement à Trismegis. Comment avait-il réussi à garder le secret jusqu’à la rentrée ? Petit cachotier, va !... Ou plutôt, "grand" cachotier. Il l’avait dépassée depuis longtemps.
Tout ici était nouveau pour le Cormac, à commencer par le pacte avec son Familier. La soudaine montée de puissance qu’il avait ressentie à ce moment-là l’avait ébranlé pour le restant de la journée. Il n’était pas parvenu à fermer l’œil de la nuit, son cœur battant encore la chamade. Couché sur le dos avec un bras derrière la tête, l’adolescent leva lentement son autre main et la fit doucement briller dans l’obscurité de sa chambre. Un large sourire fendit ses lèvres.
Il y avait aussi tous ces nouveaux cours et tous ces nouveaux lieux à découvrir, sans oublier qu’il y avait tant d’élèves dans cette gigantesque école … Tant d’élèves… de grandes familles … Pas comme lui, ce fils de pauvre qui était là par pure chance. À la surprise d’Emilie qui était chez les Créfollet, son ami chez les Créfadet n’avait pas encore causé de bagarres. Pire (ou mieux ?), il se tenait étonnement tranquille et se montrait très studieux.
Galhaad savait qu’il avait beaucoup de retard comparé à plusieurs ici. Il se devait de rattraper tout le monde, voire de les dépasser ! Et pour ça, il devait lire, lire et encore lire. Se pratiquer, se pratiquer et encore se pratiquer.
Il n’avait pas de temps à perdre.
…
Mon oncle est mort dans un accident … lisait-il à l’écran.
Eh ben. Il n’aura jamais eu l’occasion de vaincre une Ligue.Il se détourna de son ordinateur et reprit la lecture de son livre comme s’il avait simplement vérifié la météo. C’était un courriel de son père qui datait d’un mois et que Galhaad avait oublié de lire. Ça arrive. Il avait autre chose à faire même si c’était les vacances … Les troisièmes vacances qu’il passait à l’école d’ailleurs; en effet, monsieur avait 18 ans maintenant.
Le blond avait toujours de bonnes notes en classe, surtout dans le cours de "Légendes et Mythologie dont Langues Anciennes". Être doué en langues anciennes lui permettait de lire des livres écrits en vieux français par exemple. Pratique, pratique ! Ce le serait encore plus si des traducteurs se bougeaient le cul pour les réécrire dans un français moderne clair et précis !
Oui, Galhaad était un excellent élève à défaut d’être un bon ami. À bien y penser … Il n’avait plus d’ami. Pas même Emilie. Était-ce elle qui était partie ou était-ce lui qui s’était isolé ? Ils n’étaient plus sur la même longueur d’onde depuis un moment déjà; tandis que le garçon était passionné de magie, l’adolescente semblait s’en détacher petit à petit. Mais pourquoi ? N’était-elle pas fière d’être mage ? Fière de pouvoir en faire tellement plus que la majorité de la population ? Galhaad ne comprenait pas. Et que dire de ce vieux mot dans ce paragraphe ? Que signifiait-il ?
Le jeune homme tendit le bras pour attraper le dictionnaire, mais sa main toucha le crâne de son Osselait endormi à la place. Il le fixa quelques instants. Carados … Avait-il fait le bon choix de Familier ? À son âge, Galhaad aurait déjà dû trouver sa spécialisation magique, mais … Rien. Il était assez neutre niveau magique malgré le type Sol de Carados. Cela devenait frustrant et pourtant … Il ne pouvait pas vraiment détester l’Osselait pour ça; ils étaient liés après tout. D’ailleurs, c’était son oncle qui les avait réunis … La moindre des choses serait de rendre visite à sa pierre tombale. Sûrement.
Et les voilà tous les deux à Alola après un court voyage, plantés devant un morceau de roche parmi tant d’autres sous le ciel étoilé. Un silence de mort planait – sans mauvais jeu de mots. Qu’étaient-ils supposés faire ? Pleurer ? Le blond n’en ressentait pas du tout le besoin. Finalement, il ouvrit la bouche à l’intention de son Familier :
« Ça fait longtemps que tu n’es pas battu … Ça te dit de t’entraîner ? » Galhaad avait peu à peu abandonné les combats Pokémon afin de plutôt se concentrer sur sa propre personne… et aussi parce que c’était généralement mal vu dans la communauté magique. Carados avait dû se sentir oublié. Mais pas cette nuit. Cette nuit, l’Osselait retrouvait son dresseur adoré. Cette nuit, l’Osselait allait pouvoir montrer à son dresseur les attaques qu’il avait apprises tout seul comme un grand.
Deux heures plus tard, Carados évolua en Ossatueur d’Alola sous les yeux écarquillés de son mage. Alors que son Familier dansait pour leur oncle décédé, l’étudiant sentit quelque chose changer en lui … Un sourire doux se dessina sur son visage. Feu et Spectre, pas Sol … Voilà la magie qu’il cherchait.
« Merci, Carados. »…
« Haha, on dirait un sous-sol de film d’horreur. »« Osss … »C’est vrai, quoi. Le sous-sol – aussi étroit que le reste de cette minuscule maison – était en béton et complètement vide. Ajoutez une chaise au milieu et ce serait une véritable salle de torture … Le jeune adulte fraîchement diplômé ferma la porte de cette pièce infernale et retourna dans sa chambre pour déballer ses boîtes. Non seulement s’était-il déjà trouvé une demeure, il s’était aussi trouvé un emploi. Il pouvait remercier le prof de langues anciennes pour ça; avec tous les contacts qu’il avait dans le milieu, il avait facilement déniché un boulot de traducteur pour l’un de ses meilleurs élèves – c’est-à-dire Galhaad. Le plus beau dans tout ça, c’est qu’il pouvait travailler de chez lui : il avait juste à attendre qu’on lui envoie un ouvrage à traduire ou à corriger. Fantastique !
Tout allait pour le mieux. Il lisait, traduisait, continuait à étudier … Parfois, il devait voyager à l’étranger pour avoir accès à certains documents. C’était à Galar qu’il se rendait cette fois-ci et il fut surpris d’y croiser son père complètement par hasard. Père et fils discutèrent donc autour d’un café.
« Tu sais, ta mère … » fit son paternel en déposant sa tasse et en se raclant la gorge.
« La maladie qui l’a emportée … Je n’arrête pas de penser à la possibilité qu’elle soit héréditaire. C’est ce que croient ses sœurs en tout cas. »« Ah ?... » Le plus jeune des deux Cormac déposa à son tour sa boisson. De vagues souvenirs des funérailles lui revenaient.
« Je ne dis pas ça pour t’inquiéter … Après tout, tu retiens plus de moi que de ta mère ! Juste … Fais quand même attention à ta santé, d’accord ? »Galhaad retourna sur l’île magique avec cette information qu’il aurait préféré ne pas connaître.
…
« Galhaad ! » s’éleva une voix féminine au milieu de la foule de curieux.
L’interpellé détourna le regard du spectacle, surpris d’avoir entendu son nom. De nombreux citoyens s’étaient attroupés devant la librairie méconnaissable à cause des flammes. L’intérieur n’était pas visible à cause des autorités qui bloquaient le passage, mais l’érudit n’avait pas besoin de s’aventurer plus loin pour deviner ce qui s’était passé. Des ambulanciers, des pompiers, des policiers … Il y avait des morts. Une attaque surprise ? De qui ?
Finalement, une femme se faufila entre deux passants et se retrouva nez à nez avec un Galhaad encore plus étonné.
« Emilie ? »« Tu es sain et sauf ! Je suis tellement soulagée … »Et elle le serra dans ses bras en étouffant un sanglot, comme ça. Comme s’il n’y avait pas d’années de silence entre eux. Elle savait que son ami d’enfance était du genre à traîner dans les librairies et bibliothèques, alors lorsqu’elle avait entendu dire qu’il y avait eu un attentat, la peur l’avait submergée. Et elle avait de quoi avoir peur; le Cormac avait justement prévu d’y aller aujourd’hui … Il avait vraiment eu de la chance. S’il avait été présent, aurait-il réussi à se défendre ou aurait-il été une victime de plus ?...
« Veux-tu qu’on marche un peu ? » s’enquit-elle après avoir séché ses larmes.
« Oh, euh, d’accord. »Elle lui prit la main et il se laissa faire. Les deux anciens élèves passèrent le restant de la journée ensemble comme lorsqu’ils étaient gamins. Emilie évitait les sujets de conversation épineux afin de ne pas gâcher le moment tandis que Galhaad se contentait de suivre le rythme.
Ce fut une belle journée, mais les deux mages ne gardèrent pas le contact après. Comme si cette promenade n’avait été qu’un rêve.
…
Je ne veux pas mourir.Cloué au lit, le grand blond regardait par la fenêtre Carados danser pour les morts comme il le faisait chaque soir. Le Vivaldaim qu’il avait récemment capturé pour tenir compagnie à son Familier sautillait sur place dans une tentative maladroite d’imiter les pas de danse de l’Ossatueur.
Galhaad n’était pas malade, il était simplement très épuisé. À force de travailler sans arrêt, son corps avait fini par lâcher … Maintenant, il était en repos forcé. Il se sentait fatigué. Il se sentait faible. Il se sentait mal. Était-ce ainsi que sa mère avait vécu ses derniers jours ? Le mage sentit son estomac se nouer de peur.
Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas mourir.…
« Bouge ! BOUGE ! Pourquoi tu ne bouges pas ?! Tu ne peux pas être mort, j’ai besoin de toi ! Alors BOUGE ! »À genoux devant le cadavre du Vivaldaim, Galhaad le frappait de ses deux poings dans une rage paniquée, comme si ça allait le ramener à la vie. Carados n’osait pas bouger. Le sous-sol était, en effet, digne d’un film d’horreur.
Il y avait de cela quelques jours, le Cormac croyait avoir trouvé la solution à tous ses problèmes : il avait besoin d’énergie pour vivre, alors pourquoi ne pas prendre l’énergie des autres ? Et si ses flammes spectrales pouvaient aspirer l’énergie au lieu de simplement la détruire ? Il devait tester, mais … Personne de sensée ne voudrait être le cobaye d’une telle expérience. Alors il s’était tourné vers le nouvel ami de Carados, le Vivaldaim.
La première journée, l’érudit lançait de toutes petites flammes sur le cervidé. Ce dernier ne semblait pas apprécier, mais son dresseur était trop concentré sur sa propre magie pour s’en soucier. Voyons voir … Il devait imaginer l’énergie voyager du Pokémon vers lui à travers le feu … Hmm … Ses tentatives n’étant pas concluantes, il décida de réessayer plus tard.
Deuxième essai le lendemain, cette fois avec des flammes plus fortes, car le problème venait peut-être de là. Toujours rien. Ses flammes spectrales faisaient ce qu’elles faisaient d’habitude, rien de plus. Le Vivaldaim ne se sentait pas bien, mais encore une fois, le mage perdu dans ses pensées ne le remarqua pas.
Les journées se succédèrent ainsi, son feu maléfique toujours de plus en plus fort. Jusqu’à ce que ce le petit cerf, complètement vidé de son énergie, cesse de bouger. Galhaad donna un dernier coup de poing avant de coller son front contre le flanc du Pokémon inerte. Il devait se rendre à l’évidence : ce Vivaldaim était mort par sa faute. Il était un meurtrier. Pourquoi n’avait-il pas fait plus attention ? Pourquoi ce cerf n’avait-il rien dit ? Pourquoi Carados n’avait-il rien dit ? Pourquoi avait-il persévéré alors que sa théorie était clairement mauvaise ? Pourquoi … Pourquoi …
Galhaad releva lentement la tête, fixant désormais le plafond terne. Était-ce de sa faute s’il était trop fort et ce Vivaldaim trop faible ? Comment aurait-il pu savoir que son sort allait le tuer ? Ce sort n’avait jamais tué personne avant, il ne pouvait pas deviner ! Risquait-il d’aller en prison pour la mort d’un Pokémon ? Qu’allait-il devenir ? Que devait-il faire ? Le pauvre homme ignorait combien de temps son débat intérieur avait duré, combien de temps il était resté immobile dans ce sous-sol froid et silencieux. Enfin, il tourna la tête vers son Familier qui n’avait toujours pas bougé d’un poil.
Ils devaient se débarrasser du corps.
…
« Pars, je n’ai plus besoin de toi, » ordonna-t-il au petit Magby traumatisé au pied du volcan. Puisque ce dernier restait figé, il reprit d’un ton plus sec encore :
« Dégage j’ai dit ! »Le Pokémon lui lança un dernier regard avant de s’enfuir à toutes jambes. Tss, c’était quoi cette façon de le regarder ? Ce truc rouge devrait être heureux d’être encore en vie; on ne pouvait pas en dire autant du Chenipan d’il y a quelques mois par exemple. Faut dire que pratiquer ses boules de feu sur un Pokémon Feu, c’était plus efficace que sur une larve … Galhaad s’épousseta les mains, aussi épuisé que satisfait de sa performance.
« À quoi bon apprendre des sorts si on ne peut pas les tester en conditions réelles, hein Carados ? »« … »« Ne me dis que pas que tu boudes encore ? Tu frappes bien d’autres Pokémon, non ? Quelle différence ? »Qu’est-ce que l’Ossatueur pouvait bien répondre à ça ? Son humain avait raison. C’est en se pratiquant que l’on devient plus fort. Le jeune homme ne voulait pas mourir bêtement comme ces types à la librairie deux ans auparavant ou comme son oncle trop faible dans un accident. En fait, il avait fini par conclure… qu’il ne voulait pas mourir du tout. Alors il avait effectué des recherches.
On faisait mention dans certains vieux textes de "reliques" cachées sur l’île, mais rien de bien clair ni de concret. Si ça se trouve, ce n’était qu’une légende parmi tant d’autres … Arceus seul sait combien il en existe sur l’Île de l’Aurore ! Mais le manque d’informations sur ces soi-disant objets puissants était suspect. Si Galhaad avait été chargé de cacher ces reliques, personnellement, il les aurait dissimulées dans l’Académie.
Trismegis n’avait pas que cela d’intéressant : un Pokémon Fabuleux s’y trouvait. Jirachi, le Familier du directeur Acacia en personne. Si Galhaad avait été le directeur, il aurait fait le vœu d’être immortel. Et même s’il n’était pas le directeur, il allait se démerder pour mettre la main sur cette créature et l’obliger à exaucer son souhait. Sûrement n’était-il pas le premier à y penser ou à essayer, mais il allait être le premier à réussir.
Tout le ramenait donc vers l’école. Peut-être était-il temps de changer de métier ?
…
Silencieux, Carados observait son maître faire le tour de la classe désormais vide.
Cela faisait un an que son humain était professeur. Il ne comprenait pas comment il était parvenu à avoir ce poste et à le garder. Évidemment, Acacia ne pouvait pas savoir tout le mal que Galhaad avait fait, mais … Ce dernier avait-il été embauché simplement parce qu’il était un ancien élève appliqué ? Parce que le vieux prof de Légendes et Mythologie dont Langues Anciennes – maintenant à la retraite – avait encore une fois écrit une belle lettre de recommandation ? Parce que l’homme mystérieux aux cheveux blancs ne le considérait pas comme une menace pour ses élèves ? Parce qu’il croyait qu’être obligé de socialiser allait décoincer le blond et l’aider à grandir ? Ou était-ce parce qu’il valait mieux garder ses ennemis près de soi ? Vraiment, l’Ossatueur d’Alola ne comprenait pas.
Galhaad se tourna vers son Familier et lui sourit innocemment, comme s’il n’avait pas passé les deux dernières années à commettre des actes moralement douteux. Comme s’il ne maltraitait pas de petits Pokémon inoffensifs simplement pour satisfaire son égo. Comme s’il ne les tuait pas parfois, par accident. Comme s’il ne trompait pas ses collègues et ne faisait pas semblant de s’intéresser aux élèves seulement pour obtenir ce qu’il désire. Comme s’il ne passait pas des heures à lire les mêmes livres encore et encore comme un possédé, juste au cas où qu’il soit passé à côté d’une toute petite information quelconque.
Et Carados… tenait énormément à cet homme même s’il n’approuvait pas ses actions. Après tout, ils étaient liés. Il ressentait les émotions de son maître, il ressentait toute sa peur. Qui oserait abandonner son âme sœur alors qu’elle a peur ?
Alors il allait continuer à le suivre et à danser chaque soir dans l’espoir que tout finisse par s’arranger.