Pour info, je rumine pas!

L'eau glaciale s'écoule sur ma peau, m'en faisant tirer une légère grimace. J'aurais espèrer que le soleil tapant de l'été l'aurait au moins réchauffé un peu à travers les tuyaux, mais cela semble peine perdu. Okey, j'ai compris... Je ne vais pas avoir d'autre choix que d'accepter de payer l'électricité pour au moins être propre pour ce nouveau travail.

En sortant de la douche, l'eau glisse jusqu'au sol, trempant le vieux tapis de bain. La fenêtre ouverte donne sur l'immeuble voisin, mais je m'en fiche tant que cela me donne un peu de lumière. Une serviette rapidement enfilé autour de la taille et voilà que j'attrape ma brosse à dent. Entre deux allers et retours sur l'émail de ma dentition, mon regard se lève sur le miroir en face de moi pour me renvoyer ma propre image.

Mes longs cheveux noirs retombe, lourds et trempés, sur mes épaules. Devrais-je les couper pour avoir l'air plus "professionnel"? Non. J'en ai pas envie et puis je suis que le jardinier, on ne va pas m'ennuyer pour que je montre le moindre exemple non ? De toute façon se serait mal barré pour avoir l'air bien, sérieux, normal. Il faut dire qu'entre les piercings larges et noirs à mes oreilles et mes tatouages, nombreux, dont celui si voyant à mon cou, se serait impossible. Un air de "gangster" comme dirait ma nouvelle voisine. Elle n'a pas si tords dans le fond si on considère la Team Renegate comme tel. Mon regard zigzag sur mes bras colorés jusqu'aux épaules et qui débordent sur mon torse musclé et dans mon dos. Il est prévu que je sois tatoué entièrement, d'ailleurs j'en ai aussi des bouts sur les jambes, mais c'est long et cher alors on y va petit à petit.

Allez, je n'ai pas que ça à faire que de penser aux futurs fresques qui vont me recouvrir. Je me rince rapidement la bouche, sèche ce qui ne l'est pas et sort dans la pièce unique de mon studio pour récupérer un costume et une chemise. En général je suis plutôt jeans délavé et sweet, mais on me présente au reste de l'équipe de l'école aujourd'hui alors autant faire bonne impression. Je remonte ma tignasse en demi queue, glisse des lunettes de soleil sur mon nez pour protéger mes prunelles ambrés et glisse une cigarette entre mes lèvres. Il est temps d'y aller.

Sur le perron, je croise la voisine... Si petite comme une poupée de chiffon. Elle rit et réplique que c'est plutôt moi qui suit grand. Peut-être qu'elle n'a pas tort car j'avoisine les 1m94 quand elle n'en fait pas plus d'un mètre cinquante. Si on descend ensemble jusqu'à dans la rue, je n'en suis pas bavard pour autant, préférant tendre qu'une oreille légère entre deux bouffées de cigarette, l'esprit autant que le regard lointain. Elle est sympa, certes, mais comme le reste... Elle me parait ennuyante.

L'île n'a pas changé en trois ans... C'est ennuyeux. Ayant abandonné mon mégot dans l'une des poubelles de la rue, je baille en me passant une main sur la nuque. Qu'est-ce que j'espérais au fond ? Que quelque chose d'intéressant se passe ? Et bien oui... C'était bien pour ça, à l'origine, que j'avais rejoint la Team Renegate non ? En soit, je suis un peu mauvaise langue et je le sais. Il y en a eu, des moments intéressants depuis que je les avaient rejoins. Quelques missions avec un peu de piment, mais surtout deux années d'instants magiques aux côtés d'un "allié". Mais on le sait non ? Toutes bonnes choses ont une fin et celle-ci me laisse encore un goût amer dans la bouche et douloureux dans le cœur....

Je secoue la main dans le vide comme pour faire disparaitre ces souvenirs. Je sens un coup de museau humide contre ma main et pose mon regard sur Bicorn, mon Tauros. Je lui flatte machinalement la tête, entre les cornes, avant de sortir une nouvelle cigarette. Je fume pour tromper l'ennui qui me semble si pesant si souvent. Les gens me disent patient, qu'est-ce qu'ils se trompent... Je ne vois juste aucun intérêt de répondre la plupart du temps, que ce soit pour une conversation normale ou pour une embrouille. C'est d'ailleurs plutôt une bonne chose pour eux dans le second cas, car si je mets longtemps à m'énerver, une fois que je le suis, je suis tel un Tauros enragé et lancé à pleine vitesse. Mes coups et mes paroles ne trouvent alors aucune retenue, aucune pitié, aucun sentiment. Comme quoi, mon familier m'a bien été trouvé non ? Une des raisons aussi qui m'a value une petite place dans la Team, surtout que je ne les ennuis pas à vouloir savoir leur but ou à vouloir prendre le pouvoir à la place d'Aubépine. Tant qu'on me permet de faire des choses qui sortent de l'ordinaire, ça me va.

Certains dirait que j'ai du mal avec les gens... Mais comment s'intéresser à ce qu'on trouve ennuyant ? J'ai plus de facilité avec les Pokémons pour ça. Ils sont bien plus agréables qu'eux, peut-être parce qu'ils ne se prennent pas la tête pour des futilités ? Pour autant, je ne compte pas en avoir toute une armée à mes côtés. Bicorn me prends déjà beaucoup de temps et de place. Ce que font les autres dresseurs ou les défenseurs de pokémons ? Rien à foutre.

Mon regard se perd sur une affiche :" Séminaire spécial pour dompter vos peurs." Hum, ça sent l'arnaque à plein nez de payer pour ce genre de réunion. Est-ce que j'ai des peurs ? Hors de celle de m'ennuyer plus que je ne le fais déjà ? J'en ai eu une, oui... Qui s'est concrétisée et contre qui je n'ai rien pu faire. Je ne suis pas sûr que ce séminaire m'aurait aidé à l'éviter. Je chope la feuille, l'arrache, la roule en boule et l'envoie à la poubelle avant de m'apercevoir que je suis proche de l'école. Allez, il est temps d'aller faire nos preuves et d'être accepté dans ce nouveau boulot.

Les présentations, c'est surtout satisfaire la curiosité des autres. Je me présente assez simplement, par mon nom, mon prénom, ma date de naissance et le travail qu'on m'offre. Pas plus, pas moins. Je réponds à la dérober pour le reste. Raconter ma vie ? Mes expériences ? Oui, je pourrais... Mais je n'en ai pas envie. Les gens n'ont pas la même vision que moi pour bien des choses et je n'ai pas envie qu'ils s'imaginent une vie malheureuse alors que ce n'est pas le cas.

Certes, ma mère m'a eue en tant que mère célibataire. J'étais l'enfant d'une nuit d'un des clients du restaurant où elle travaillait en tant que serveuse dans une petite brasserie de Port aux vœux. Ais-je pour autant eu une enfance difficile ? Loin de là. Ma mère adorait son travail et parvenait à gérer celui-ci en plus de mon éducation. J'ai grandi entre les coloriages sur les tables pendants les services et les restes de frites croquantes le soir. N'ayant aucun homme dans sa vie, j'étais le seul à bénéficier de son amour et cela me comblait bien plus que tout.

Ce fus vers mes 5 ans qu'elle rencontrait enfin son prince charmant, un Kalosien qui devient mon beau-père. Pour lui, on quittait l'île de l'aurore pour Illumis où elle accouchait de mon petit frère. Lui et moi n'avions rien en commun, ni physiquement, ni mentalement, mais cela ne nous empêchait pas d'être très proche jusqu'à ce que je fus appelé à l'école pour savoir utiliser mes dons, dons que ma mère et mon beau-père m'apprenait à dissimuler surtout car les mages étaient plutôt cachés à Kalos. A l'école, je me fis de bons ami, un seul en fait, le reste étant plutôt des connaissances. Les cours m'ennuyaient, les gens m'ennuyaient, les profs aussi et la distance avec Kalos déchira peu à peu la relation que j'entretenais avec mon frère surtout que celui-ci ne développait aucun don.

Pour me ressaisir, c'est mon pote qui me fis faire quelques travaux pour la Team Renegate chez qui travaillait déjà sa famille. Je l'y suivis, trouvant parfois de l'amusement à faire quelques unes de leurs missions, mais un plaisir vite effacer par l'ennui qui me revenait toujours comme un boomerang. J'eus mon diplôme, de justesse, puis je quittais l'école pour faire quelques petits boulots ici et là sur l'île. L'une de mes missions pour la Team à ce moment-là fut d’accueillir et de prendre soin d'une de ces petites choses de la Team Purity. D'un gamin à peine majeur en fait, un riche petit fils à papa née d'une cuillère en argent dans la bouche mais qui faisait parfaitement cliché avec sa belle gueule et son joli cul. Qu'il déteste les mages ? Je m'en fichais et c'était sûrement le fait que j'usais quasiment jamais de magie avait favorisé le fait que ce soit moi qui m'occupe de lui le temps qu'il fasse ce que les Teams avaient pu prévoir. Entre deux boulots, je veillais donc dessus et finalement m'amusait à le séduire avant que, sans que je sache comment ni pourquoi, nous étions comme un petit couple. Je ne lui ai jamais demandé ses projets en y pensant : Je le laissais faire son bordel tant qu'il me laissait faire le mien. J'avais l'impression que c'était bien comme ça. Sa présence ne m'ennuyait pas... Ces mots non plus... Ces gestes encore moins... Qu'est-ce qui a merder alors ? "Elle" je dirais... Mais peut-être qu'elle n'était qu'une étincelle ?

Cette pouffiasse qui a débarqué de nulle part avec son sourire faux-cul, ses yeux machiavéliques et son maquillage en pot de peinture. Elle aussi respirait l'argent à plein nez et n'avait de l'intérêt que pour Vivian où du moins l'argent qu'il pourrait posséder en héritage. J'aurais pu l'ignorer à vie si Vivian n'avait pas glissé jours après jours dans sa toile, dans ses jeux, dans ses plans machiavéliques. Peu à peu nos journées ne sont devenues qu’engueulades, dents serrées et distances jusqu'à ce que ma patience n'éclate. Ce jour là j'aurais voulu la tuer, elle...

Ce jour là, j'y serais parvenu sans regret s'il ne m'avait pas arrêté...

S'il ne l'avait pas défendu malgré tout...

Je n'ai pas envie de raconter tout ça à ces gens qui se pensent collègues alors qu'ils ne sont rien à mes yeux. Ni de ça, ni de ce qui suivit : De cette condamnation en travaux d'intérêt pour coups et blessures. Mon avocat me disait que j'avais eu de la chance, qu'ils auraient pu réclamer la prison, mais moi je voyais ça comme une torture de plus de cette conasse : Elle m'avait piqué l'homme que j'aimais et elle voulait que je reste libre pour le voir chaque jour. C'était hors de question.

Je décidais de repartir pour Kalos où je rejoignis ma famille et plus précisément mon frère qui s'était fait une raison de ne pouvoir user de magie. Il s'était alors engagé à fond dans le mannequinât comme pour combler se vide au point parfois de se faire des mauvaises fréquentations. Étrangement, il me faisait penser un peu à Vivian... Sauf que lui, il y est parvenu ce petit con, a devenir célèbre.

Pendant 3 ans, je lui servis de garde du corps, tentant de fuir mes souvenirs douloureux qui se mélangeaient à mon ennuis dans la cigarette, la drogue, l'alcool, le sexe et les tatouages. Ce qui me remit sur pieds ? La mort de maman. C'est d'ailleurs pour elle que je retournais à l'île de l'Aurore afin de répandre ses cendres dans sa région natale. Devant me sortir aussi du côté caché du vice de la citée d'Illumis, j'y trouvais un travail dans l'école en tant que jardinier. Qu'est-ce que je risquais après tout ? Après ces trois ans, Vivian et sa merdeuse avaient dût finir ce qu'ils avaient eu à faire ici et pour mon frère, il était assez riche maintenant pour se payer de vrais gardes du corps.

Il était peut-être temps pour moi de me reposer dans ma patrie et de retourner à la recherche d'une étincelle d'envie...