La violence n'est pas une solution c'est LA solution [ft. Ciel]

Aujourd'hui, Shiba était aller trop loin.
L'adolescent n'était pas étranger aux bagarres, loin de là, mais il n'était pas particulièrement violent de nature : si une situation pouvait se résoudre par les mots, cela l'arrangeait. Si l'intimidation suffisait à décourager son adversaire, cela lui suffisait amplement, passer à l'offensive n'était que rarement sa première intention... Le truc, c'est que si quelqu'un cherches les embrouilles avec lui, très clairement il va le trouver. Sa scolarité dans cette académie avait jusqu'alors été un fleuve tranquille (outre deux trois incidents) mais, bien entendu, cela n'aurait su durer et en ce jour avait-il laisser une situation dégénérer : enfin, pour sa défense, ce n'est pas lui qui a commencé par insulter les mamans en premier ! Pas de sa faute si la famille, c'est un sujet sensible pour lui, si ? Bref, il ne se souvient pas trop de comment ça en est venu aux coups mais ce n'était pas le risque d'un ou deux hématomes qui allait le stopper : même le coup à la tête ne l'avait pas trop déstabilisé !... Enfin, jusqu'à ce qu'il tombe dans les vapes quoi. La suite logique étant qu'un surveillant ait enfin fini par arriver sur la scène du crime (c'est qu'ils pouvaient être lent, eux...) et ait pensé à déposer son corps en infirmerie avant de se prononcer sur sa futur sanction. Parfait, quoi.

Enfin, dur de restituer la situation de manière aussi claire lorsqu'on avait autant mal à la tête que l'adolescent à ce moment : peut-être se relever aussi vivement n'était pas l'idée du siècle, après tout, mais au moins réussit-il rapidement à reconnaître où il était et donc calmer le pique d'angoisse survenu lorsqu'il reprit connaissance. L'infirmerie, donc. Il y avait déjà été pour "deux-trois broutilles", c'est-à-dire lorsqu'il préférait avoir une excuse pour sécher les cours sachant qu'il pouvait très bien faire des sachets de glaçons lui-même, mais ce n'est pas un lieu qu'il affectionnait pour autant. C'est que... L'infirmier était un type chelou, à proposer des bonbons à des mineurs à tout va, il lui faisait zéro confiance. S'il aurait été mauvaise langue il aurait pu ajouté que l'idée d'être resté inconscient dans le coin l'inquiétait légèrement mais il préférait ne pas y penser. Il jeta un oeil sur son téléphone -ignorant l'état déplorable dans lequel se trouvait son écran désormais- et constata rapidement via son reflet de la bouille tout aussi pitoyable qu'il avait actuellement. Bah, c'était prévisible, il était presque habitué à devoir cacher ce genre de trucs. Heureusement que ses lentilles de contacts étaient tombées entre deux, s'il en jugeait sa vision quelque peu floue : peut-être devra t-il vraiment ressortir la vieille paire de lunette de ses affaires quelques temps... A moins que ce soit dû à la bagarre. Oui, peut-être avait-il perdu deux neurones après ça, rien de bien grave.

Bref.
Une fois qu'il confirma qu'il était capable de se lever et même -incroyable- marcher sans risquer de se casser magistralement la gueule, Shiba n'avait qu'une envie : se barrer d'ici et sécher un ou deux cours le temps d'être de nouveau un minimum "présentable". En cet objectif avança t-il rapidement, espérant sûrement pouvoir filer sans que personne ne remarque, avant d'apercevoir un certain adulte albinos (ou pas vraiment albinos, mais vous m'avez compris quoi). Chouette, ça, ça ne l'arrangeait absolument pas... Même s'il imaginait que ce gugusse devait savoir ce qu'il était advenu de son sac de cours, au moins.

" - Heu, yo m'sieur, j'suis en pleine forme donc... J'peux repartir ? "

" - Installe-toi face à moi, tu veux bien ?  Tu te doutes bien que vu la situation, je ne peux pas te laisser partir comme ça. "

Le jeune homme tenta une attaque Regard Noir : je dis bien "tenta" car, compte tenu de la situation, il était à douter que faire la moue ne soit une stratégie pertinente pour intimider son pseudo adversaire. Le fait de devoir légèrement plisser les yeux pour voir son interlocuteur au lieu d'un blob blanc flou n'aidant probablement pas l'action, bien que cet instant d'observation permit au moins à l'adolescent d'apercevoir son fameux cartable dans le coin et donc d'en profiter en passant pour l'attraper avant de s'asseoir, non sans un lonnnng soupir. Ce n'est qu'à moitié qu'il écoutait l'albinos tandis qu'il farfouillait ses affaires à la recherche de sa maudite paire de lunettes : c'est que quitte à se faire passer un savon, il préférait au moins voir le gugusse clairement. De toute manière l'avis de ce dernier lui importait peu, d'autant plus s'il disait la vérité : s'il n'allait pas faire un truc par rapport à cette histoire, il servait vraiment à rien en fait... Enfin, Shiba n'allait pas trop s'en plaindre : il avait du temps à perdre donc il pouvait toujours lui raconter sa vie si ça l'amusait.

" - Alors, qu’est-ce qui a donc débuté tout ça ? Je me doute bien que se battre ne te fait pas forcément plaisir. Tu peux t’ouvrir, de toute façon, je suis là pour t’écouter.
- Le gars m'a saoulé, j'ai voulu lui mettre un pain, j'me suis remarquablement foiré, c'est tout, y'a pas besoin de chercher plus loin. "

Ouais... En fait, ça sonnait un peu pathétique dit comme ça. Assez pour que l'adolescent se sente plus ou moins obligé d'ajouter après quelques secondes de silences bien trop longues à son goût :

" - 'fin voilà quoi, j'suis pas du genre à foutre le bordel mais quand on m'cherche on me trouve et il l'avait vraiment cherché c'gars ! Y'a des gens ils méritent juste des parpaings pour leur remettre les idées en place, nan ? "

Excluant le fait que sa définition de "foutre le bordel" soit sûrement plus laxiste que celle de l'administration et que jeter des parpaings sur les gens soit légèrement disproportionné... C'était bien dans cette dernière catégorie de gens que Shiba avait casé l'infirmier jusqu'alors, même s'il semblait désormais impatient d'obtenir la validation de l'adulte sur cette question ma foi fort importante. Pas qu'il ne respecte d'avantage le gusse qu'à son arrivée, hein, juste qu'il espérait qu'au moins un vieux dans ce bahut comprenne un minimum son point de vue : aucune intérêt de se montrer réservé concernant le fond de sa pensée lorsque ce gars n'avait aucun pouvoir sur sa sanction, de toute façon, n'est-ce-pas ? Enfin, c'pas pour autant qu'il lui dirait tout hein, ne serait-ce que par esprit de contradiction. Après tout il venait de contourner avec brio la question de l'infirmier.

" - Shiba. Tu as bien conscience que je ne vais pas approuver tes méthodes, non ? Ce n’est pas normal de refaire le visage d’un de ses camarades pour si peu. Qu’est-ce qui t’as mis ainsi en colère ? "

Pff, l'albinos était un adulte ennuyant lui aussi... Shiba aurait pu garder le pouffement de désapprobation pour lui, certes, mais la réaction fut un peu trop vive aussi abandonna t-il l'idée de la masquer : si l'infirmier voulait qu'il "s'ouvre", il n'avait accepter sa déception. Il croisa les bras ainsi que les jambes, son langage corporel retranscrivant mine de rien assez clairement une position plus défensive : logique, quand son interlocuteur contrariait un tant soit peu son point de vue. Si le jeune homme était connu comme quelqu'un de conciliant il n'aurait certainement pas la même réputation auprès des pions... Enfin, s'il était encore plutôt calme, reste que cette situation commençait quelque peu à sérieusement l'agacer, quoi que pas pas plus encore que l'idée de revenir en cours après toute cette histoire. Peut-être était-il même tenté à l'idée de faire le muet histoire d'agacer à égale mesure son interlocuteur tout en faisant durer l'entretien, juste par puérilité.

" - Je ne suis pas responsable de ta punition, mais … si tu t’ouvres un peu, je pourrais au moins atténuer ta sanction. "

... Retirez ce que j'ai dis : il avait beau être une "racaille" qui ne se souciait pas de l'avis de l'autorité, reste que l'avoir dans sa poche pour pas se faire virer n'était pas une option qu'il jetterait comme ça.
Il restait un gamin de 15 piges, quoi.
M'enfin l'énième savon reçu de la journée le retint de montrer trop d'enthousiasme encore à la possibilité de se sortir plus ou moins indemne de tout ce bordel (dont il était à moitié responsable, certes) : "pourquoi gâcher tes résultats si bons ?", ce n'était pas la première fois qu'il avait entendu cette question et il en avait clairement assez. Non, il se bagarrait pas pour le plaisir : si ça ne tenait qu'à lui il vivrait une scolarité normale et sans réveil surprise à l'infirmerie. Mais si les choses étaient aussi simple, il n'en serait pas là aujourd'hui à devoir raconter sa life à un infirmier giga suspect n'est-ce-pas ? Reste que l'adolescent cessa au moins de bouder pour lâcher un simple :

" - "Pour si peu", vous étiez pas là que je sache, si ? "

Bien sûr, cela ne ferait pas l'affaire d'explication, mais Shiba devait bien le dire parce que ces adultes qui croient tout savoir alors qu'ils ont rien à voir avec ce qui peut bien se passer dans les couloirs de leur propre établissement commençaient à sérieusement lui peser sur le système à force. Enfin, reproche fait, il pu reprendre d'un ton bien moins agressif :

" - Moi et ce type on se supportait pas de base, mais l'mec a commencer à mal parler de mes parents donc j'lui ai mis un pain, réaction normale nan ? Y'a que moi qui a le droit d'insulter mes vieux puis... C'est pas comme si la diplomatie règle quoi que ce soit dans ce genre de cas, hein, on est pas chez les Bisounounourson. Ç'aurait été pire si les pions s'en s'rait mêler t'façon. "

Dire un truc du style "évite d'insulter ma maman s'il te plaît c'est pas très très gentil" c'était juste tendre une perche pour qu'on se foute bien de sa gueule, l'ignorer viendrait à légitimer le gugusse dans ses actes et inspirer d'autres moumouton à suivre : la seule solution, donc, c'était de lui faire passer l'idée de recommencer et décourager qui que ce soit de s'y aventurer en lui réglant son compte. Plutôt clair comme raisonnement, nan ?... Peut-être devrait-il commencer à compter ses soupirs de la journée car là, ça commençait à faire un sacré nombre. Il savait bien que ça ne passerait pas du côté de l'administration, après tout, mais n'était pas vraiment d'humeur à se montrer faussement coopératif.

" - Je comprends mieux. Tu possède une mauvaise relation avec tes parents, c’est ça ? Quant au fait de faire violence aux autres … je pense qu’appeler un surveillant serait pourtant une meilleur idée. Ou un professeur, n’importe qui. Dans tous les cas, ce genre de personne revient toujours à la charge, au final. Et puis … ça t’éviterais de retrouver à l’infirmerie, voire pire. "

Ah bah bien sûr, il aurait pu voir cette réponse venir à des kilomètres : faire appel à un adulte serait une solution bien plus responsable en cas de soucis avec un petit camarade, c'est pas un membre du personnel qui allait dire le contraire ! Mais bon, cela reviendrait à admettre qu'il était incapable de résoudre ses problèmes tout seul comme un grand or ça, l'élève ne pouvait pas vraiment l'accepter n'est-ce-pas ? Finir à l'infirmerie n'était qu'un petit prix à payer pour conserver sa fierté. Puis au pire... Ce ne serait pas la première fois qu'il visiterait l'hosto, d'autant que quoi qu'il en soit personne n'irait se lamenter sur son sort et encore moins ses fameux parents. Merde, une fois la colère passée il ne lui restait véritablement qu'un vague sentiment amer. Il n'avait même pas le coeur à répliquer aux niaiseries de l'albinos -car si ce genre de personne revient, il suffit de leur refaire le portrait une deuxième ou troisième fois hein- pour le coup, focalisé comme il était dans ces réflexions.

" - Ce problème de … violence, est-ce qu’il remonte à loin ? De même … si tu veux me parler de quelques choses, n’hésite pas. Ta famille, notamment. Retiens juste … que je ne veux que ton bien, Shiba. Je ne suis pas là pour te disputer, juste pour essayer de te comprendre. Tu n’es pas le premier que je vois ici réagissant de cette façon. "

Y avait-il quelque chose à dire de plus ? L'adolescent hésitait clairement. D'un côté il avait clairement envie d'envoyer balader cet infirmier indiscret -et était d'ailleurs bien partit pour le faire, s'il n'avait avorter la réplique qu'il s'apprêtait à sortir- mais ce n'est pas comme s'il avait l'occasion de raconter sa life et rager un bon coup tout les jours. Il avait des potes, certes, mais il allait pas leur donner l'idée qu'il faiblissait devant eux, c'était pas un fragile quoi... Bon,  l'albinos d'en face était clairement louche en plus de l'infantiliser comme pas possible avec sa moralité à la noix, mais au moins Shiba ne risquait pas de tomber bien bas dans son estime (s'il avait quelque chose à faire de ce que l'adulte pensait de lui, bien entendu). Bref, après quelques instants de réflexion le calme gagna sur la tentation de se lever balancer le premier objet sous sa main -genre une chaise- à son interlocuteur puis se casser aussi se décida t'il à parler après le probable millième soupir de la journée :

" - ... Ouais, bon, chaud de dire quoi que ce soit sur ma famille quand on s'parle même pas après. "

Urgh, pourquoi un truc aussi évident était si difficile à sortir ? C'est qu'il était habitué, à force, il savait même pas quand était la dernière fois qu'ils avaient causé... Probablement avaient-ils dû communiquer pour régler des détails administratifs quelconques, mais peu importait au final puisque c'était pareil depuis des années. C'était son moment pour se défouler sans la moindre gêne alors l'adolescent ne comptait pas le gaspiller en réflexion inutile aussi enchaîna t-il aussitôt :

" - Pas qu'ils soient responsable de mon soit disant "problème", hein, juste tant que j'ai de bons résultats ils vont pas me faire chier pour des détails type refaire la tronche d'un camarade de classe ou me faire démolir. Bon, si je me fais virer du bahut ce sera peut-être une autre histoire... Quoi que, j'suis même pas sûr qu'ils savent ce que je fais ici exactement : au pire des cas je finirai juste stagiaire au McRonald du coin j'imagine, pas la fin du monde. "

Pas que ça le tente particulièrement... Mais pas qu'il ait un véritable objectif futur non plus. Bref. De quoi on parlait de base, déjà ?... Ah oui, que taper des gens c'est pas bien apparemment.

" - 'Fin voilà, faut bien que j'me défendes à un moment donné quand on m'emmerdes parce que j'vais pas attendre de la part d'adulte qu'ils le fassent à ma place. Si d'autres emploient la violence sans gêne pourquoi j'aurai pas le droit de faire pareil, hein ? Je devrais juste pas prendre l'initiative et tendre la joue en attendant, c'est ça ? "